Ce mardi 23 mai a eu lieu la première session d’une série d’ateliers de travail initiés par la Commission Européenne sur le sujet de l’évaluation des risques liés aux pesticides. Ces ateliers sont consacrés à la question de l’évaluation de la toxicité des pesticides « en formulation », c’est à dire des produits tels qu’ils sont mis sur le marché et épandus par les professionnels comme les particuliers. Ils ont été organisés pour répondre aux nombreuses sollicitations impulsées par la campagne Secrets Toxiques et ses alliés. En particulier, notre pétition n°1384/2021, déposée en février 2021 à la Commission dédiée du Parlement Européen, a permis de mettre à l’agenda des institutions européennes le traitement de ce que nous dénonçons depuis deux ans et demi : l’absence d’études de toxicité à long terme des produits pesticides tels qu’ils sont autorisés.
Secrets Toxiques se réjouit de l’organisation de cette première session qui avait pour objectif de faire l’état des lieux des pratiques en cours dans les agences d’homologation des pesticides et des revendications de différentes parties prenantes : notre coalition, PAN Europe, PETA, et CropLife. Nous avons revendiqué notre principale demande aux institutions européennes, récemment endossée par 11 parlementaires européens et seule à même de répondre aux exigences du règlement 1107/2009 : la réalisation d’études expérimentales de toxicité à long terme sur les formulations représentatives qui doivent être évaluées lors la procédure européenne d’approbation des molécules pouvant être utilisées comme substances actives dans les pesticides.
Nous avons néanmoins à regret constaté que la Commission Européenne, dans les discussions qui se sont tenues sur ce sujet, tendait à vouloir continuer de privilégier une approche « par composés », c’est-à-dire une extrapolation de la toxicité des produits à partir de la toxicité connue de chacun des ingrédients déclarés dans la formulation du pesticide. Nous ne comprenons pas les raisons de cette obstination, de laquelle il résulte un système dénoncé maintes fois comme incapable de répondre aux exigences de la réglementation européenne, par notre campagne mais également par la Cour de Justice de l’Union Européenne et par la Commission Nationale Déontologie et Alertes en Santé Publique et Environnement. Et pour cause : les méthodes sont quasi-inexistantes, les données sur la toxicité à long terme des produits chimiques sont notoirement incomplètes, et plusieurs études ont montré l’existence d’instabilité dans la composition des pesticides, voire la présence de composés non déclarés (Defarge et al., 2018 ; Seralini et Jungers, 2020 ; Jungers et al, 2022). Les institutions européennes préfèrent-elles se concentrer sur des faux-semblants de réponse au problème posé par peur des conséquences qu’il y aurait à regarder en face la toxicité réelle des pesticides ?
Quoi qu’il en soit, nous serons particulièrement attentifs aux déroulements futurs de ces sessions de travail. La session du matin, à laquelle nous avons participé, a été suivie par un échange entre la Commission, les Etats Membres, l’EFSA et l’ECHA sans les parties prenantes. Cette rencontre fera l’objet d’un compte-rendu que nous attendons avec impatience. Klaus Berend, chef de l’Unité pesticides et biocides de la Commission Européenne et président de la réunion du 23 mai, a par ailleurs annoncé que la Commission Européenne allait publier un site web dédié aux travaux de ces ateliers. Une seconde session de travail avec les évaluateurs de risque, à visée technique, aura lieu au mois de juin, et sera suivie à la rentrée d’une discussion avec les États Membres par zones d’autorisation (Nord, Sud, Centre).
Il y a urgence à faire appliquer le règlement sur les pesticides. Les trois Etats Membres intervenant lors de la réunion du 23 mai au matin ont tous admis réaliser l’évaluation des risques sur les produits préalable à leur autorisation sur la base de la seule substance active, contrairement aux exigences du règlement 1107/2009. Les conséquences de l’usage massif des pesticides, que ce soit sur la santé, ou sur l’environnement, constatées alors que le règlement prévoit la démonstration de l’absence d’effets néfastes des produits autorisés à ces deux niveaux, appelle une action urgente et significative pour enrayer les graves menaces que font peser les pesticides sur la santé et la biodiversité.